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Le lieu du cœur.

« On ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » Antoine DE SAINT-EXUPÉRY Et si une séance d’hypnose était l’occasion de se rapprocher de son coeur et d’y découvrir un espace merveilleux ? Et si, en installant le climat adapté et en accompagnant nos patients à se recentrer, nous leur permettions de trouver un chemin vers le lieu du coeur ?



Le symbole du coeur est commun à toutes les voies spirituelles comme étant une manifestation du vrai centre de l’être humain. Le véritable siège de l’âme et de l’esprit. Il s’agit d’une terre d’accueil, un espace intérieur où être en contact avec le monde, où se relier aux autres et à soi-même avec plénitude. Ce n’est plus la vision sentimentale de cet organe, siège des émotions dans notre monde moderne. C’est plutôt une disposition fondamentale, que la transe permet de retrouver. La prémisse de cette vision est qu’il y a quelque chose de bon en l’être humain, quelles que soient les épreuves traversées. Il est possible d’assumer sa propre vie, malgré tous les soucis et les obstacles, et de regarder ce qui est essentiel en soi. En résonance avec les pratiques chamaniques La vision est belle, et en pratique ? Il existe de nombreuses versions de protocoles pour construire un lieu de sécurité, ou encore faire voyager nos patients dans leurs mondes internes, passant du ressenti physique à l’imaginaire. Par amour des lieux naturels et en résonance avec les pratiques chamaniques, j’ai proposé à mes patients de pénétrer en eux-mêmes pour y trouver la ressource qui corresponde au lieu du coeur. Ce lieu peut être multiple, comme dans l’organe physique, qui comporte en haut les deux oreillettes et en bas les deux ventricules, ce qui fait quatre espaces à visiter. L’important étant que vous ameniez le patient à voir cette proposition comme un voyage, qui aura plusieurs étapes. Le déroulé est propre à chacun, de même que l’induction.

Etre vraiment à sa place, au coeur de soi-même

Puis vous lui demandez de se focaliser sur le ressenti de son coeur physique qui bat dans sa poitrine, qui soutient sa vie à chaque seconde depuis bien avant sa naissance. Et vous lui demandez de se placer lui-même tout entier dans le coeur, dans la première partie de son exploration, et de décrire le lieu ou le paysage dans lequel il se trouve. Utilisez les cinq sens, permettez- lui de ressentir pleinement où il se trouve, de percevoir son environnement. Une fois l’induction faite et l’atmosphère propice établie, il y a peu d’interventions à faire. Vous guidez le patient dans un périple qui se déroule sous vos yeux, dont vous découvrez les étapes au fur et à mesure. Vous saupoudrez de notions telles que se centrer, être vraiment à sa place, dans le lieu du coeur, au coeur de soi
-même, là où se trouvent les ressources naturelles de la personne. Et vous serez surpris comme je l’ai été, comme le sont les patients qui révèlent les trésors qu’ils ont en réserve.

Voici quelques exemples...

Madame Geneviève T., jeune retraitée à qui je rends hommage car elle a inspiré le titre de cet article, grâce au travail effectué dans sa pratique du yoga. Dans les « Yoga sutras » de Patanjali, il est question d’un espace intérieur « lumineux et serein », un lieu d’harmonie exempt de souffrance. Elle parvient, après un certain parcours, à reconnecter avec son esprit d’aventure et son envie d’aller de l’avant, de découvrir, de marcher. Elle est au désert avec les Touaregs, elle suit la caravane, se sentant protégée de loin. Devant la tente le soir, allongée sur le sable, elle regarde le ciel avec l’impression que les étoiles vont lui tomber dessus. Elle contemple cet infini qui l’étreint. Elle se sent appartenir à ce monde, dans une communion silencieuse avec ses compagnons de route. Elle est reliée et ce cadeau de la nuit lui offre le courage de ne pas abandonner le jour venu. Le vent rend la progression difficile mais ils parviennent à une bâtisse où les attendent des femmes qui chantent et préparent le thé à leur arrivée. La plus âgée du groupe la prend par les épaules, lui sourit, en signe d’encouragement et d’admiration pour la route parcourue. (Ici, prenez tout le temps nécessaire pour établir un accordage affectif par tous les sens.) Puis elle quitte le désert pour une prairie verdoyante où l’herbe est abondante, nourrie par un ruisseau où elle va tremper ses pieds dans l’eau fraîche. Une fillette blonde vient à sa rencontre et se blottit dans ses bras, avant de lui cueillir un bouquet de fleurs des prés. Ensemble, elles regardent l’eau qui s’écoule paisiblement en fredonnant une chanson, en appréciant le moment présent. Elle en reçoit le message que le changement est bénéfique, car rien n’est figé, fini ou définitif, elle peut faire au mouvement de la vie. Voici un récit sous forme de voyage.

Pour Madame E., jeune femme stressée, il s’agira simplement d’un lieu, un endroit où se tenir. Que ce soit une cabane au fond des bois en hiver où ronronnent un chat et un feu de cheminée, alors que la radio joue de vieux morceaux de jazz au loin. En ce lieu elle peut sentir comme il est réconfortant de se recentrer, se reconnecter, ne rien faire. Elle qui est si active goûte alors le calme, l’apaisement, la simplicité de l’essentiel. Ou encore, elle visite une tente magique aux dimensions changeantes, colorée, accueillante, aux objets hétéroclites venus du monde entier, des coffres, des tapis anciens, de l’encens. Dans cet endroit riche en surprises elle revient au plaisir du fantastique, de la magie de l’enfance où tout est possible. Elle rêve à nouveau.

Monsieur M., ingénieur, féru d’astronomie, se présente comme souffrant de troubles anxieux et d’un naturel cartésien. Il se laisse pourtant prendre au jeu de voyager jusqu’à son coeur. Il pénètre un ballon entièrement blanc, qui varie jusqu’au violet et enfin au noir le plus complet, arrivé à ce stade il est en transe profonde. Il reste longuement dans ce vortex de lumière changeante, qui lui permet de sentir son corps dans l’espace proche (ce qui est rare dans son cas puisqu’il scrute le ciel intersidéral, et paradoxal). Il passe ensuite dans l’eau translucide d’une planète océan, il se ressource et apprécie le sentiment de fluidité, « rien ne sert de s’inquiéter, la vie peut être légère ». Ensuite dans un monastère tibétain en haut de montagnes, très surpris car il n’y pense jamais, écoute le gong qui résonne comme les battements de son coeur. Il entre dans une forme de méditation spontanée et parle de la sagesse dans le coeur, pour finir sur la phrase « la puissance de l’esprit est aux commandes ». Il se retrouve enfin, à son tour, dans un désert brûlant, désolé, entièrement seul. L’extérieur est si…


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NICOLAS D’INCA

Psychologue clinicien, hypnothérapeute. Méditant de pleine présence pendant vingt ans, aujourd’hui orienté sur la pratique des états modifiés de conscience, notamment la transe chamanique. Curieux des formes de guérison alternatives, étudie les cultures traditionnelles et spirituelles du monde pour aller vers une thérapie intégrative. Après douze ans en institution, se consacre à ses activités libérales à Fontainebleau, en ligne et dans divers lieux de formation.

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- Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente dans son édito le contenu de ce n°68 :

Comment devenir un meilleur thérapeute ?

Cette question est au centre de notre pratique, elle implique la « présence » du thérapeute dans une approche centrée sur le corps relationnel, ainsi que la mise en place d’évaluations visant à améliorer la qualité du lien thérapeutique.


. François Cartault nous montre comment le travail sur le deuil implique de retrouver la relation perdue comme étape initiale avant de développer l’autonomie de la personne endeuillée. Dans la séance présentée, le questionnement narratif met en évidence l’importance de décrire les différences et les points communs entre les sujets pour enrichir et faire perdurer la relation.
. Solen Montanari nous décrit la situation d’Elisa, 14 ans, qui a perdu toute confiance, un « truc » l’empêchant de lâcher prise dans la relation de soin. Selon l’approche TLMR (Thérapie du lien et des mondes relationnels) qu’elle pratique, elle intègre sa propre résonance (image d’un iceberg et vécu de chair de poule) pour co-construire un imaginaire partagé où le thérapeute et Elisa regardent ensemble la scène et en ressentent les effets sous forme d’une expérience unique.
. Sylvie Le Pelletier-Beaufond nous fait part de son expérience des séances d’hypnose partagées avec François Roustang. Elle souligne l’importance de la ''présence'' pour François Roustang dans sa manière de constituer une relation thérapeutique. Elle rappelle le principe qui gouverne sa pensée, l’existence de deux registres distincts : une forme discontinue correspondant à la dimension de l’individualité, et une forme continue, un fond, constitué de l’ensemble du système relationnel correspondant à la dimension de la singularité.

Ces trois auteurs mettent en scène ce qui est au centre de l’utilisation de l’hypnose en thérapie : le développement d’un processus coopératif où la présence du thérapeute est renforcée par le fait que ce dernier ne pense pas à la place du sujet.

. Grégoire Vitry et ses collaborateurs nous montrent comment la participation de chaque thérapeute à un réseau d’évaluation de sa propre pratique (Réseau SYPRENE) favorise une amélioration de notre pratique. Dans ce travail de recherche portant sur les effets de l’évaluation de l’alliance thérapeutique et de l’état de bien-être, nous comprenons l’importance de tenir compte de la perception du sujet et de partager avec nos pairs.

- L’édito de Gérard Ostermann dans l’Espace Douleur Douceur souligne l’importance de la capacité du thérapeute à faire un « pas de côté » pour rendre l’hypnose vivante dans les soins.

- Chirurgie maxillo-faciale en mission humanitaire, un article de Christine ALLARY

- Olivier de Palezieux nous parle du placebo

- Corps et espace sécure: changer le monde du patient par Jean-François DESJARDINS

- Dans le dossier consacré aux addictions, une constante est l’absence de confiance dans la relation humaine. Les trois auteurs, Maxime Devars, Anne Surrault et Nathalie Denis, nous proposent différentes manières de se libérer des symptômes bloqueurs de la relation (hyperactivité dans l’anorexie, conduite automatique chez le fumeur). Ils s’appuyent sur leur créativité et un imaginaire donnant toute sa place à la stratégie pour que les sujets puissent se réapproprier leur responsabilité dans le soin.

Nous retrouvons la qualité des chroniques habituelles, l’humour de Stefano et Muhuc, les situations cliniques richement décrites par Sophie Cohen, Adrian Chaboche et Nicolas D’Inca : à lire et à se laisser imprégner.

Ce numéro rend également hommage au Professeur Peter B. Bloom, ancien président de l’ISH qui vient de nous quitter le 10 septembre 2022 à l’âge de 86 ans. Dans une interview donnée à Gérard Fitoussi, il souligne l’importance de la créativité dans notre pratique et son espoir que l’hypnose continue à favoriser les rencontres et à nous faire partager des histoires de vie.

Crédit photo © Michel Eisenlohr




Rédigé le Samedi 26 Août 2023 modifié le Samedi 26 Août 2023
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Laurence ADJADJ
Présidente de France EMDR-IMO ®, Dirige le Cabinet d'Hypnose, EMDR-IMO de Marseille. Présidente... En savoir plus sur cet auteur





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